La génération Z : les philanthromômes

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Ces gamins sont malins, audacieux, et remplis de bonnes intentions.
Que vous les aimiez ou pas, ils vont faire bouger les lignes de la philanthropie.

 ce billet est la traduction d’un article de Brennen Jensen tirée de Chronicle of Philanthropy – avril 2015. Volume 27, Issue 8

braeden Quinn Mannering

Braden Quinn Mannering voulait que l’ONG contre la faim qu’il avait fondée touche plus de monde. Et une conférence sur la technologie pour les ONG était tout ce dont il avait besoin. « Cela m’aurait aidé de connaitre les bonnes pratiques d’autres ONG » avait-il dit d’une rencontre l’année dernière.

Mais il n’a pu finalement y assister. Une première raison était qu’il habite à Delaware et que la conférence se déroule à San Francisco.

Plus ennuyeux, la conférence a lieu un jour d’école.

Braeden a 10 ans.

L’année précédente, il a fondé l’ONG « 3B » (Braes’s Brown Bag). A ce jour, il a collecté plus de 46 000$, en délivrant plus de 2 500 paniers repas à des nécessiteux.

Braeden, maintenant âgé de 11 ans, a surmonté sa déception. Il est déjà un utilisateur avisé des réseaux sociaux avec plus de 700 followers sur Twitter. Le mois prochain, il co-organise une conférence régionale sur le thème de la faim.

Cet altruisme précoce est fréquent pour cette génération. D’après une étude Deep Focus, 20% des enfants et adolescents disent vouloir créer une ONG au cours de leur vie.

« Je les appelle les Philanthrokids » nous dit Beth Kanter, consultant et auteur sur les média sociaux, en parlant de ces jeunes gens qui mettent toute leur énergie et leur compétences dans ces domaines au service de cause charitables.

Ils ont grandi sans savoir ce qu’est de ne pas avoir de portable ou de compte Facebook. Ils se sentent très responsables et souhaitent changer le monde.

Mme Kanter a eu un exemple très concret de la détermination de Braeden. En tant qu’intervenante à cette conférence à laquelle il souhaitait participer, elle offrait une invitation gratuite à une personne motivée. Sa réponse avait été particulièrement impressionnante.

Leila de Bruyne, responsable de Flying Kites, ONG qui gère une école et une maison pour des enfants orphelins au Kenya approuve : « Cette génération est remarquable, et ils manifestent une énergie et une passion sans pareil. Nous connaissons une jeune fille américaine de 13 ans, qui a récolté 30 000$ pour notre orphelinat. Je n’avais jamais vu cela. »

Plus fort que la génération Y

infographie cassandra

Depuis des années, le monde des ONG se concentre sur les façons d’attirer la génération Y (entre 20 et 30 ans), et de transformer en supporter, bénévoles, donateurs. Maintenant, le secteur insiste sur l’importance de la génération née après 1995, appelée génération Z.

A la fois remplis de conscience sociale et connectés socialement, ces enfants et adolescents ont des talents et une énergie positive qui pourraient les conduire à avoir un rôle important dans la philanthropie dès maintenant et dans les années à venir.

Cette génération Z semble encore plus philanthrope que la précédente, déclare Aria Finger, COO de dosomething.org, association qui met en relation jeunes et ONG, et directrice de TMI, cabinet d’études marketing. « Quand vous échangez avec eux sur leurs centres d’intérêt et leur future carrière professionnelle, ils insistent beaucoup plus que leurs ainés sur le fait de donner un sens à leur vie, et sur le fait de faire profiter le monde de leurs compétences.

Près de 70% des moins de 20 ans ont été bénévoles, et pour près de la moitié au moins une fois par mois, d’après le dernier Rapport Cassandra, étude menée par Deep Focus auprès de plus de 900 jeunes âgés de 7 à 17 ans.

Plus de 30% ont donné à une cause, et plus de 25% ont contribué à des collectes.

« Je pense que les enfants sont aujourd’hui de plus en plus positifs et généreux » remarque Mme de Bruyne. « Les enfants sont sans doute toujours généreux. Je suis sure que nos parents l’étaient à 15 ans. Le fait nouveau est qu’ils peuvent s’appuyer sur la technologie. »

Nourris au lait de Google

La génération Y est souvent appelée « digital native », car ils ont utilisés portables et réseaux sociaux dès leur adolescence. Pour la nouvelle génération, cela a été le cas dès le berceau. Mme Kanter les appelle les « enfants Qwerty » pour leur aptitude à écrire des SMS. (note PEG : Michel Serres parle de « génération poucette »).

Le fait d’avoir Google au bout des doigts les a rendu plus assurés, et moins dépendants de leurs parents, des autres adultes, et des institutions, pour leur développement et leur éducation.

« Grace à cet accès direct à l’information, ils peuvent se forger eux-mêmes leur propre opinion », estime Jamie Gutfruend, chief marketing officer chez Deep Focus. « La conséquence est qu’en matière de philanthropie, cette génération attend des marques et des institutions que celles-ci s’adressent à eux directement. Ils veulent être traités comme des interlocuteurs indépendants, ayant leurs propres perspectives. De ce point de vue, ils sont plus complexes que les générations précédentes. ».

Cela signifie que le niveau de transparence des organisations n’aura jamais été un facteur aussi important.

Sur un site internet, il faut voir immédiatement le rapport financier, l’impact de l’ONG, l’impact d’une contribution, déclare Susan Price, auteure de « Generous Genes : Raising Caring Kids in a Digital Age », et ancienne vice présidente du National center for Family Philantropy.

« Voilà comment les ONG doivent s’adresser à cette nouvelle génération : leur montrer concrètement en quoi leur contribution va faire une différence ».

Georgia Brothers, 11 ans, qui a lancé l’association Change for Cancer il y a 2 ans dans la banlieue de Pittsburgh, estime que les associations doivent « simplement nous montrer en quoi notre don change les choses ». Son projet, inspiré par son grand-père mort d’un cancer avant sa naissance, et par une copine d’école rendue chauve par la chimiothérapie, est tourné vers les réalisations concrètes. Elle a déjà collecté plus de 5 000$ en ligne et par l’intermédiaire d’évènements locaux. L’argent est destiné à aider des malades et leur famille à régler les notes relatives aux soins. Sa grande fierté, selon elle, a été d’aider son amie. « Leur voiture est tombée en panne, et sa famille ne pouvait plus l’accompagner à l’hôpital pour suivre les traitements. L’argent que j’ai récolté a permis de réparer la voiture ».

Des jeunes supporters en demande d’autonomie

Alors que les enfants de la génération Z demandent des explications précises sur la manière dont leur don va être utile, ils attendent également des associations une aide, et qu’elles leur apportent une aide adapté sur la façon dont ils peuvent collecter.

C’est une leçon qu’a tiré Unicef USA, qui s’appuie sur les enfants depuis près de 60 ans.

« Le grand changement que j’ai perçu depuis 8 ans en terme d’engagement chez les jeunes, est que nous leur laissons plus d’autonomie», déclare Caryl Stern, le président de l’association. « Nous essayons de leur fournir suffisamment d’informations sur la situation dans le monde, et des occasions de s’engager avec nous. Mais nous leur permettons également de nous dire comment ils souhaitent s’engager ».

La célèbre tirelire orange de l’Unicef, utilisée à l’occasion d’Halloween, a longtemps fait partie des outils de collecte. Pourtant, ajoute Mme Sterne, « nous ne disons pas seulement : voilà la boite, maintenant pars et collecte ! ». (http://www.unicefusa.org/mission/usa/trick-or-treat)

L’Unicef propose d’autres méthodes. « Vous pouvez faire la charité virtuellement maintenant, et collecter en ligne. Nous avons également profité de la présence des jeunes sur des plateformes telles que Crowdrise, et y avons déposé certains de nos projets. »

L’ONG a depuis longtemps encouragé la création de clubs Unicef dans les lycées et les collèges, pour développer la prise de conscience et l’aide pour la pauvreté des enfants, et conseillé sur l’organisation de ces clubs.

Madame Stern a été récemment contacté par des élèves d’un lycée qui avait créé leur propre organisation. Nous leur avons dit « Ok, voilà notre matériel, faites en ce que vous voulez. Notre état d’esprit est maintenant plus de nous adapter que de les couler dans notre moule. Le résultat a été très positif, et s’est traduit par une augmentation de la collecte ».

Etre créatif

Chez someting.org, Mme Finger a bien remarqué que la génération Z est demandeuse de liberté créative. « Ils aiment apporter leur propre voix au débat, et ne veulent pas juste mettre en pratique des solutions toutes faites où ils se sentent comme un simple rouage ». Elle cite l’exemple de la campagne des lettres d’amour que DoSometing mène avec la Fondation AARP pour combattre l’isolement et la dépression parmi les personnes âgées isolées. Depuis 2 ans, les jeunes peuvent écrire des cartes à l’occasion de la Saint Valentin (https://www.dosomething.org/campaigns/love-letters)

Comme le note Mme Finger, « cette opération est parfaitement adaptée à la vie d’un adolescent, et ils peuvent faire cela avec leurs amis, à leur rythme. Cela leur permet de faire preuve de créativité, tout en restant dans un certain cadre ».

Des associations en kit

Mais jusqu’où aller dans la liberté ?

Certains sont ravis que 20% des jeunes souhaitent créer leur propre ONG.

« J’ai rencontré beaucoup de jeunes entrepreneurs, et c’est vraiment bien, nous ne sommes pas inquiets » nous dit Braeden, notre jeune créateur de 11 ans. « De nombreux enfants ont une vision personnelle, et veulent être des leaders. Je leur dis d’être ambitieux et de suivre leurs passions ».

Pourtant, le monde associatif croule déjà sous le nombre d’associations souvent concurrentes, faisant appel aux mêmes donateurs, et l’arrivée de nouveaux acteurs peut ne pas sembler être une bonne nouvelle.

L’enjeu, pour ceux qui travaillent avec ces jeunes, est de leur laisser suffisamment d’autonomie et de laisser leur créativité s’exprimer, tout en les convaincant que les associations existantes peuvent être efficaces et performantes et qu’ils peuvent changer le monde sans repartir à zéro.

Un jeune qui a une vraiment bonne idée, particulièrement un adolescent, ne va pas s’arrêter et se dire : « Qui fait déjà cela, avec qui je pourrais m’associer ? » note Mme Price. « Mais le fait est que la plupart des ONG sont pas souvent réticentes à limiter leur rôle à abriter et incuber un projet porté par un jeune. Nous devons nous demander ce que nous pouvons leur apporter pour répondre à leur projet sans créer une nouvelle organisation. Cela nécessitera de la part des adultes plus de confiance envers ces jeunes ».

Comme le dit Braeden, « écoutez-nous, nous avons de bonnes idées ».

 


 

Quelques trucs pour rallier la generation Z à votre cause

 

Exploitez leur énergie créatrice

Faites les contribuer à votre cause par leur capacité créatrice. « Cette génération souhaite pouvoir mettre en œuvre sa propre approche à la philanthropie et au bénévolat » note Lee Fox, consultant marketing et créateur de PeerSpring, site de connection entre les jeunes et les causes. « Ils considèrent que leur contribution créative (éditeur de vidé, producteur de musique, programmeur, designeur graphique, etc.) a une valeur monétaire. Identifiez les parties de votre site qui peuvent être personnalisées.

N’édulcorez pas

Cette génération internet prend le monde comme il est, sans l’idéaliser. « Donnez leur des faits » conseille Jamie Gutfreund, responsable marketing de Deep Focus (cabinet menant des études de tendances auprès des jeunes). « Ils ne s’attendent pas à ce que vous les preniez pour des naïfs ».

Communiquez en rafales

« La génération Z est accoutumée à être inondée d’un flux continu de données, et apprécie d’être dans l’expertise » dit Mme Fox. « Touchez les fréquemment avec des faits éclairants, drôles, ou juste intéressants. Limitez la quantité de texte. Une image parlante avec quelques lignes de texte, une brève vidéo, ou juste une citation dans un jeu de caractère exotique peuvent faire la différence entre un public concerné et des personnes qui ont oublié qui vous étiez ».

Soyez transparents

« Les organisations qui s’excusent après avoir fait une erreur reçoivent des félicitations et non des moqueries » remarque Aria Finger, présidente de TMI Marketing, institut de recherche de DoSometing.org. « Soyez comme les stars sur Youtube, qui montrent clairement qui les soutient. Au lieu de s’en éloigner, leurs fans les en respectent d’autant plus. Les jeunes de moins de 20 ans voient très clairs lorsque l’on essaie de les enfumer ».

Oubliez les stéréotypes de genre

« Pour cette génération, la construction individuelle passe beaucoup moins par le genre que pour les générations précédentes » insiste Beth Kanter, auteure et bloggeuse. « Dans vos chartes graphiques, oubliez le rose pour les filles et bleu pour les garçons ».

Soignez l’apparence

« Chaque ONG doit trouver son style propre » remarque Mme Gutfreund. « Même s’ils ne peuvent le verbaliser clairement leur yeux feront la différence ». Un bon design influence grandement la façon dont votre organisation sera perçue.

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